Navigation auf uzh.ch
Biagio Salvemini (Università di Bari)
Guillaume Calafat (École française de Rome)
Christopher Denis-Delacour (Maison Méditerranéenne des Sciences de l'Homme - Aix-en-Provence)
Roberto Zaugg (Universität Basel)
Au cours du « long dix-huitième siècle », la Méditerranée est le lieu d’une âpre concurrence entre des formations politiques, surtout européennes, qui cherchent à développer leur « commerce actif », source d’honneur pour le prince et de félicité publique. Cette rivalité entraine des conflits militaires et diplomatiques, ainsi que la création de toute une série de normes de droit positif, d’institutions et d’« officiels », qui coexistent avec les normes, les acteurs et les pratiques coutumières du jus gentium et du droit naturel. Cet « embouteillage » normatif génère une incertitude structurelle sur les limites territoriales et sociales des normes et des appareils institutionnels en vigueur, une « zone grise » dans laquelle les décisions sont prises sans qu’une distinction nette ne soit établie entre sujets publics et privés.
De ce point de vue, et contrairement à une vision néo-institutionnaliste très répandue, les institutions ne constituent pas un cadre d’obligations et de contraintes qui ne seraient qu’extérieures à l’agir économique. Au contraire, elles font partie du jeu subtil des échanges et construisent des types de ressources que certains acteurs parviennent à mieux mobiliser que d’autres. Ainsi, une plus grande réserve de capitaux et de moyens, de même qu’une meilleure protection politique ne garantissent pas nécessairement un succès économique. Le marché s’enrichit d’interstices, d’opportunités à la portée de sujets et de lieux ‘faibles’, de micro-marchands qui sortent des petits circuits de l’échange pour se positionner, avec succès, sur les grandes routes de commerce. Pour toutes ces raisons, la croissance du dix-huitième siècle ne simplifie pas le panorama des forces en présence : une foule d’acteurs, une variété de pratiques et de normes animent un espace méditerranéen où le rythme de la vie économique s’accélère.
Notre projet de recherche entend analyser cet ensemble de processus, en observant tout particulièrement les bords, les marges des institutions, à l’intérieur de l’univers concret des normes et des appareils institutionnels que les capitaines et les marchands rencontrent dans les ports et sur les routes de commerce, et qui participent à l’élaboration fine et quotidienne des décisions d’entreprise. Il s’agira d’étudier notamment la correspondance consulaire, la documentation sanitaire et douanière, le droit commercial, les archives privées, non pas pour y chercher des informations sur les routes, les trafics ou les épidémies, mais pour enquêter sur les interactions constantes entre acteurs des échanges et pouvoirs. L’objectif général de ce projet est de saisir, à travers divers contextes, la variété des types de rationalités économiques, ainsi que les facteurs, en particulier institutionnels, qui concourent à les générer.
Notre réseau de recherche a produit 3 numéros spéciaux de revues contenant un nombre d’articles en français, anglais et italien: